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D’après un poème de Boris Vian

Ils cassent le monde
Photo : Pascal à Chartres

Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
À  coups de marteau

Mais ça m’est égal
Ça m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez

Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux

Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois

Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez

J’aurai toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’œil un peu de lumière
Et le vent dans les orties

Et même, et même
S’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez

Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s’attarde un peu de sang

Je l’aime, je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil

J’aime le judas qui s’ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s’avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde

Et retrouver la couleur
J’aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir

C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête

Boris Vian

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